Les Dépêches 26 novembre 1970

Dix minutes avec... Jo HUBERT
l'un des quatre musiciens au programme, samedi de la 1ère chaîne T.V. :

" ACCORDS-D'ACCORDEON "

Jo Hubert, 35 ans, O.S. à Vallourec, originaire et domicilié à Saint-Rémy, accordéoniste émérite; avec son orchestre " Les Diables Noirs ", il a enregistré quatre disques de 45 tours et il prépare un 33 tours, 30 cm.


Samedi, dans le cadre de l'émission produite par Henri-Jacques Dupuy et réalisée par Roger de Fontaine, Jo Hubert interprétera " Rêve de Jockey ". L 'enregistrement a eu lieu il y a quelque temps dans un ranch, dans la Nièvre.
Au même programme, Lulu Charleu, autre accordéoniste que les Montbardois connaissent bien.
Qui est Jo Hubert ? Quel musicien est-il ? Avant de tenter d'apporter une réponse à la première question, laissons à Roland Manoury le soin de répondre à la seconde. Voici ce qu'il a écrit au dos de la pochette du dernier 45 T. des Diables Noirs :
" Lorsqu'on a pour prénom celui de " Jo ", le succès est assuré ! Répondant à l'appel des plus grands as de l'accordéon : Jo Privat, Jo Lefebvre, Jo Larédo, Jo Sony, Jo Basile plus connu sous le nom de Joss Baselli et bien d'autres encore.
" C'est pourquoi nous arrive, dans cette lignée prestigieuse, l'un des meilleurs accordéonistes de sa génération : Jo Hubert.
" Il est né entre " Paris et Dijon ". Le " Chablis " ne lui monte pas à la tête bien que celle-ci soit à l'envers. Quant à son cœur, il est toujours " à la fête " !
" Que ces mauvais jeux de mots n'influencent surtout pas votre jugement : écoutez l'accordéon de Jo Hubert : ces quatre chansons à succès seront demain quatre danses à la mode. Grâce à son talent et à sa dextérité, Jo Hubert est, sans aucun doute, l'un des rois de l'accordéon. Ecoutez-le et vous pourrez dire : " Voilà un fameux Jo ! "
Qui est Jo Hubert ? Nous avons essayé de le savoir en bavardant avec lui.

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J.H. G. - Depuis combien de temps jouez-vous de l'accordéon ?
Jo HUBERT. - 20 ans... Mon père en jouait et de la trompette également. En fait j'ai débuté très tard : maintenant on joue de l'accordéon à huit ans ! j'ai commencé si tard, à cause de la guerre.
- Pourquoi avoir choisi l'accordéon, plutôt que la trompette ?
J.H. - Par goût tout simplement... Je n'aimais pas les instruments à bouche.
- Vous avez suivi une école
J.H. - Non, j'ai appris de moi-même, avec des méthodes.
- Je suppose que vous n'avez pas monté un orchestre tout de suite...
J.H. - Ca s'est trouvé bizarrement... Quand j'ai débuté à 15 ans, j'ai fait mon premier bal, seul, à Saint-Rémy. Ce jour-là j'ai rencontré un " petit jeune ", qui s'appelait Fichet et qui m'a dit : " je joue du saxo, je pourrai jouer avec toi ". Depuis, nous sommes restés ensemble : ça fait 20 ans. Ensuite, la semaine d'après, on a joué à Savoisy ; on a rencontré un batteur qui jouait comme ça... pour s'amuser, comme les jeunes maintenant. " Si on jouait ensemble ? J'ai dit oui. Après ce fut le guitariste... En un mois l'orchestre était monté. C'était il y a 20 ans.
-Votre orchestre s'appelle " Les Diables Noirs " ; il doit y avoir une raison,
J.H. - On a le chanteur qui s'appelait Barbe-NOire. Et puis, un beau jour, il a fallu qu'on trouve un nom de bataille... On bougeait beaucoup, on était jeune. Un entrepreneur de bal dit un jour : ce sont de vrais diables. C'est comme ça, qu'un beau matin, on s'est dit on va s'appeler " Les Diables Noirs ".

Le coucou du Morvan
- Vous ne vous contentez pas de jouer de l'accordéon, vous composez. Il a bien fallu que vous appreniez le musique tout de même.
J.H. - Bien sûr. J'ai connu le solfège de bonne heure avec mon père. Et j'ai rencontré une vieille fille à Crépand, qui m'a donné quelques notions de solfège et ensuite j'ai étudié tout seul.
- Combien de morceaux avez-vous composés depuis ?
J.H. - Une vingtaine environ.
- Où trouvez-vous l'inspiration ?
J.H. - L'idée vient subitement. Je peux vous raconter une anecdote : je faisais mon jardin... je ne suis pas tellement courageux pour cela... je n'ai jamais bien travaillé la terre... Je m'assois et j'entends un coucou. Vite l'idée m'est venue, je suis retourné rapidement à la maison, j'ai pris une partition de musique, mon crayon et j'ai sorti le fameux morceau " Le coucou du Morvan "
-Ce sont généralement donc des apports extérieurs, des choses que vous voyez, que vous entendez...
J.H. - D'une part oui et, quand même d'autre part, une idée qui me vient ; je l'écris de suite : vous savez il y en a 12 ou 16 mesures, c'est tout ; c'est griffonné et je le laisse de côté.
- 16 mesures, ça suffit à faire un thème... à partir de là vous brodez... Il ne vous arrive pas, le matin, de vous lever avec un thème dans la tête ?
J.H. - Non... c'est souvent après la rentrée des bals... on a la musique dans la tête, on est fatigué. Et bien souvent aussi, la nuit, quand on est au calme.
- Que préférez-vous comme genre de musique : les marches, les pasos ?...
J.H. - Oui... et les boléros... dans mon prochain disque, il y a 3 boléros qui ne devraient pas être mal, je pense.

La joie de vivre
- Face à la musique Pop, par exemple, est-ce que vous ne vous sentez pas vieux jeu, ou au contraire vous a-t-elle influencé ?
J.H. - N'importe comment la musique Pop nous influence et n'est pas vieux jeu. Moi, je comprends bien la musique Pop. Ce que je regrette, c'est ce qu'il y a de belles choses de faites, mais il y en a encore de mauvaises...
- Comme chez les accordéonistes...
J.H. - Exactement. Hier soir, j'ai regardé " Deux sur la deux " J'ai vu la Garde Républicaine avec un orchestre Pop : ça c'est sensationnel ! Croyez-moi, faut le faire.
Pour terminer, je ne vous cacherai pas que je n'apprécie pas particulièrement l'accordéon, tant pis !... Qu'est-ce que vous trouvez à cet instrument qui, pour moi, est surtout un instrument " d'accord ", son nom semble le confirmer, alors qu'on en a fait plutôt un instrument de soliste ?...
J.H. - Le mot d'accord, parce que la main gauche fait les accords ; vous appuyez sur un bouton et ils sont tous faits. Je ne vois pas pourquoi on ne l'aurait pas appelé accordéon...
-Mais qu'est-ce que vous y trouvez ?
J.H. - On peut faire de tout avec : vous en avez qui font du classique... bien sûr certains le critiquent : l'accordéon n'est pas fait pour du classique, mais il y en a qui le font très bien.
Pour moi, l'accordéon permet de traduire la joie, c'est la joie de vivre !... Par exemple, vous avez le réveille-matin à 6 h., par Verschuren, à Europe ; il n'y a pas de problème, ça vous réveille de bonne humeur.
- En résumé, pour vous, l'accordéon est un instrument qui vous rend pleinement vous-même.
J.H. - C'est cela, quand je joue de l'accordéon, j'aimerais que ce qui sort de l'instrument transmette ma joie, mon allégresse à tout le monde.

(Propos recueillis par Jean-Hélios GRANDJEAN)